Voici un article tiré du journal Le Soleil du mardi 26 avril 2011 :
Publié le 26 avril 2011 à 05h00 | Mis à jour le 26 avril 2011 à 05h00
Pierre Asselin, journaliste
Le Soleil
(Cité du Vatican) C'est la question qui ne cessera jamais de hanter le Saint-Siège : si l'homme et la femme sont aujourd'hui égaux devant la loi et devant Dieu, pourquoi ne le sont-ils pas au sein de l'Église?
La question s'est posée au Vatican comme dans toutes les autres sphères de la société, et à la même époque, au début des années 60, sous Jean XXIII et le concile Vatican II.
Pour une première fois dans l'histoire, le pape avait alors autorisé 23 femmes à assister, sans droit de parole, au concile, rappelle Thérèse Koturbash, une avocate canadienne, coordonnatrice internationale de womenpriests.org. L'organisme a été créé en 1999 par John Wijngaards, un théologien qui a abandonné la prêtrise en raison d'un profond désaccord avec Rome sur cette question.
Il existe d'ailleurs un nombre grandissant d'organismes internationaux favorables à l'accès des femmes à la prêtrise.
Si l'esprit d'ouverture de Vatican II avait alimenté les aspirations sur cette possibilité, les positions prises plus tard par Jean-Paul II ont eu l'effet contraire.
En 1994, la lettre apostolique «Ordinatio Sacerdotalis» de Jean-Paul II concluait que l'Église n'a pas le pouvoir de conférer l'ordination sacerdotale à des femmes «et cette position doit être définitivement tenue par tous les fidèles».
Réal Tremblay, théologien québécois qui enseigne à Rome, avait alors participé à la réflexion de la Congrégation pour la doctrine de la foi sur cette question.
«En utilisant l'expression définitive, Jean-Paul II engage ses successeurs, souligne-t-il. Jamais l'Église ne pourra penser autrement.»
La position de l'Église veut qu'en choisissant 12 hommes comme apôtres, le Christ avait alors exprimé une volonté.
«Il faut comprendre, poursuit le père Tremblay, que le pape se sent lié par la volonté du Christ. C'est un point de repère définitif dont il ne peut se soustraire.»
Mais le durcissement de la position de Rome fait en sorte que «le simple fait de parler de cette question équivaut à ne plus être en communion avec l'Église», résume Mme Koturbash.
Le dialogue est donc devenu impossible, a-t-elle constaté. «Voilà trois ans, nous avons voulu remettre une pétition au Vatican, mais ils n'ont même pas accepté de nous recevoir. Nous l'avons laissée au service de sécurité et on ne nous a jamais répondu...»
Les catacombes
L'Église se retrouve devant un paradoxe. Puisque l'idée même est désormais jugée hérétique, les catholiques favorables se voient forcés, comme les premiers chrétiens de Rome, de se cacher pour exprimer leur conviction.
Depuis 2002, plus de 70 femmes, dont une dizaine de canadiennes, ont été ordonnées prêtres par l'organisation Roman Catholic Womenpriests.
Certaines cérémonies, dans lesquelles on protège l'anonymat des participants, sont d'ailleurs dites des «catacombes», en référence à l'époque de persécution romaine.
Heureusement, on n'alimente plus les lions avec les récalcitrants, mais on peut les excommunier. C'est ce qui est arrivé au prêtre américain Roy Bourgeois, qui avait accepté de prononcer l'homélie, en août 2008, pour l'ordination d'une femme. Trois mois plus tard, il était excommunié.
«Il peut s'écouler des années avant qu'un pédophile soit expulsé, mais qu'un prêtre parle en faveur de l'ordination des femmes, et ça se règle en quelques mois, déplore Thérèse Koturbash. Le patriarcat du Vatican se sent vraiment menacé par cette question.»
«C'est décevant, poursuit-elle, parce que l'Église est une force du bien. On s'attendrait à un meilleur leadership, mais c'est comme si les hommes du Vatican vivent dans "le parc jurassique"... Ils ont perdu contact avec leur époque.»
Exclues de l'ordination, les femmes le sont aussi du pouvoir, puisque tous les postes d'autorité au Vatican sont confiés aux prêtres, évêques ou cardinaux.
Soeur Enrica Rosanna est celle qui occupe le plus haut poste dans la hiérarchie romaine : sous-secrétaire de la Congrégation pour les instituts de vie consacrée. Pourtant, les femmes sont en majorité dans ces mêmes institutions. On comptait 729 371 religieuses en 2009 dans toute l'Église, contre 410 593 prêtres.
( à suivre )